Le remboursement du compte courant d’associé
Pour permettre à la société de faire face à des besoins de trésorerie momentanés, il est fréquent que les associés, au lieu de faire des apports complémentaires, consentent à la société des prêts en compte courant d’associé. Ils deviennent alors titulaires d’une créance à l’encontre de la société, susceptible d’être rémunérée par le versement d’un intérêt.
Les avances consenties en compte courant d’associé ont pour avantage d’être bien plus souples qu’un apport au capital. En effet, contrairement à l’apport en numéraire, l’associé peut en principe récupérer la somme avancée à tout moment en demandant le remboursement à la société. [1]
En principe, la société ne peut pas opposer une situation financière difficile à la demande de remboursement d’un compte courant d’associé.[2] Elle peut néanmoins obtenir du juge des délais de paiement, limités à deux ans, sur le fondement du droit commun. [3]
Cependant, ce droit au remboursement connait plusieurs limites qu’il convient d’exposer :
1. Existence de clauses statutaires ou d’une convention de compte courant d’associé
Une clause des statuts peut valablement soumettre le remboursement du compte courant d’associé à certaines conditions, pourvu que celles-ci ne fassent pas dépendre exclusivement le remboursement d’une décision de la société débitrice (condition potestative). A notamment été jugée valable, la clause soumettant le remboursement à la condition que la trésorerie de la société le permette[4] ou à la reconstitution des fonds propres à un certain niveau. [5]
Comme toute clause statutaire, elle s’applique à l’ensemble des associés.
Le blocage des sommes déposées en compte courant d’associé entraîne une augmentation des engagements des associés. Dès lors, une telle décision ne peut être prise qu’avec l’accord de chacun d’entre eux.
Il est également possible de prévoir une convention qui sera signée entre la société et l’associé qui consent à l’avance en compte courant. Une telle convention peut par exemple prévoir que le compte courant d’associé ne pourra pas être remboursé avant un délai déterminé (convention de blocage). Ce type de convention est très souvent exigé par les établissements financiers comme garantie supplémentaire pour l’obtention d’un financement bancaire.
La convention peut aussi prévoir les modalités de remboursement (progressive, par tranche, etc.), les conditions (seuil de trésorerie minimal, etc.) ainsi que la rémunération (taux d’intérêt).
2. Sort du compte courant d’associé en cas d’ouverture d’une procédure collective
Le remboursement d’un compte courant d’associé intervenu entre la date de cessation des paiements et la mise en redressement ou en liquidation judiciaire de la société (période dite suspecte) peut être annulé si, au moment de cette opération, l’associé avait connaissance de l’état de cessation des paiements. [6]
Après ouverture de la procédure collective, y compris s’il s’agit d’une sauvegarde, la société ne peut plus procéder au remboursement du compte courant d’associé, sous peine d’annulation de celui-ci et l’associé doit, comme tout créancier, déclarer sa créance entre les mains du mandataire ou du liquidateur judiciaire.
3. Faute de gestion
La demande de remboursement d’un compte courant d’associé de la part d’un associé ayant également un mandat social, est susceptible de constituer une faute de gestion lorsque le remboursement engendre des difficultés financières pour la société.
Le remboursement du compte courant ne doit pas constituer un paiement préférentiel au détriment des créanciers de l’entreprise. Ainsi, constitue une faute de gestion, le remboursement qui prive la société de la trésorerie nécessaire pour exécuter une condamnation. [7]
Se rend également coupable de banqueroute, le dirigeant d’une société en redressement judiciaire qui a signé un ordre de virement en vue de rembourser à des associés, membres de sa famille, leur compte courant d’associé. [8]
4. Prescription
La créance de remboursement d’un compte courant d’associé est soumise à une prescription de cinq ans. [9] Celle-ci court à compter du jour de la demande en paiement du solde de ce compte.
5. Le titulaire du droit au remboursement
C’est à la personne qui a avancé les fonds de demander à la société le remboursement des sommes inscrites sur son compte courant d’associé.
Lorsque l’associé est marié sous le régime de la communauté, il détient seul la qualité pour présenter cette demande. Son conjoint ne peut pas obtenir lui-même le remboursement du compte courant, peu important que la somme provenant du remboursement doive figurer à l’actif de la communauté. [10]
En cas de cession des titres de l’associé prêteur, la cession n’entraîne pas automatiquement le transfert du compte courant d’associé à l’acquéreur, de sorte que le cédant est fondé à demander le remboursement des fonds détenus à son nom à tout moment après la cession. Par conséquent, si les parties à la cession de titres souhaitent transférer le compte courant à l’acquéreur, l’acte de cession doit comporter expressément une clause de cession expresse.
De même, la donation des titres n’emporte pas, sauf clause contraire, transfert du compte courant de l’associé donateur au bénéficiaire de la donation. Par suite, seuls l’associé ou, à son décès, ses héritiers ont un droit sur les sommes inscrites en compte. [11]
Lorsqu’un associé est en liquidation judiciaire, il ne peut pas demander le remboursement des sommes inscrites sur son compte courant d’associé car cette action, qui tend au recouvrement de la créance dont il dispose contre la société, ne peut être exercée que par le liquidateur judiciaire. [12]
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[1] Cass. com. 24-6-1997 : RJDA 11/97 n° 1349
[2] CA Versailles 2-4-1999 n° 96-8453 : RJDA 7/99 n° 788
[3] C. civ. art. 1343-5
[4] Cass. com. 9-10-2007 n° 06-19.060 : RJDA 1/08 n° 41
[5] CA Paris 12-12-2007 n° 05-15941 : RJDA 5/08 n° 526
[6] art. L 632-2 et L 641-14 Code de commerce
[7] Cass. com. 24-5-2018 n° 17-10.119 F-D, M. c/ P. ès qual.
[8] Cass. crim. 27-11-1997 : RJDA 3/98 n° 323
[9] C. com. art. L 110-4
[10] Cass. 1e civ. 9-2-2011 n° 09-68.659 : RJDA 5/11 n° 423.
[11] Cass. 3e civ. 18-11-2009 n° 08-18.740 : RJDA 5/10 n° 514.
[12] Cass. com. 23-9-2014 n° 12-29.262 : RJDA 12/14 n° 925.